Art Déco

Art Déco

En ce début de l'ère industrielle, Bonnard et Toulouse-Lautrec dessinent des affiches, Gauguin signe des céramiques, les arts appliqués s'imposent sur la scène artistique.

L'Art nouveau gagne peu à peu chaque secte de la création, négligeant d'ajuster ses normes esthétiques aux exigences désormais fonctionnelles. A Vienne, Adolf Loos dénonce ce délire ornemental (Ornament und Verbrechen, 1908) et propose le modèle d'une architecture dépouillée (la maison Steiner ); Otto Wagner et Olbrich posent les principes d'un retour à la ligne droite et aux formes géométriques; le palais Stoclet de Josef Hoffmann, construit à Bruxelles entre 1905 et 1910, inscrit la transition. En France, la réaction à l'Art nouveau prend une tournure technique, c'est la construction en 1912 de la première maison individuelle en béton, de Perret (rue Franklin, à Paris). En Allemagne, les industriels et les artistes Behrens, Riemerschmid, Van de Velde groupés autour des théories de Muthesius fondent le Werkbund. Aux états-Unis, l'architecture rationaliste triomphe avec l'école de Chicago (emploi systématique des charpentes métalliques). L'Europe découvre en 1910 les nouveaux travaux de F. L. Wright (Prairie Houses): un habitat intégré à son environnement. Devant l'échec de l'Exposition universelle de 1900, les artistes français fondent la Société des artistes décorateurs; ils invitent en 1910 le Werkbund au Salon d'automne: on découvre alors des aménagements intérieurs très structurés, le mobilier et les objets s'intégrant à l'environnement architectural. (Mais, en 1914, le chauvinisme puis le déclenchement des hostilités retardent la diffusion des idées nouvelles; l'exposition qui devait se tenir en 1916 au musée des Arts décoratifs n'aura lieu qu'en 1925.)
C'est l'époque où les artistes de domaines différents travaillent en collaboration. Le succès des Ballets russes de Diaghilev en 1909 (avec les peintres Exter, Larionov et Gontcharova) favorise cette interpénétration des arts; la couleur, libérée, envahit les intérieurs (les meubles, les tissus, les objets). Au cinéma, Marcel L'Herbier s'attache la collaboration de l'architecte Mallet-Stevens et du peintre Fernand Léger pour L'Inhumaine. Le public découvre les mouvements d'avant-garde par l'intermédiaire des ballets; le futurisme (la vitesse, la puissance, l'énergie pensées en termes plastiques), le fauvisme (la couleur pure affirmée dans une représentation bidimensionnelle), le cubisme (rejet du décoratif pour une production objective, analytique) contribuent à la montée de ce style "art déco" des années vingt.
La traversée de la Manche par Blériot en 1909 est un événement: désormais, omniprésente, la machine accélère le processus d'une nouvelle esthétique. En Europe, le mouvement se dessine: les biennales de Monza en Italie sont consacrées uniquement aux arts décoratifs dès 1923; aux Pays-Bas, la revue De Stijl (1917) pose autour de Mondrian les principes d'un art abstrait adapté à la décoration; en Allemagne, le Bauhaus dirigé par Gropius à Weimar forme une génération d'artistes attachés aux recherches de nouveaux matériaux pour les arts appliqués dans l'industrie. C'est vers 1920 qu'en France le renouvellement de l'art moderne s'affirme dans une tendance aux volumes simples, aux surfaces planes. Dans la grande tradition des ébénistes français, on revient au placage de bois précieux, aux marqueteries, un jeu de bois clair et foncé soulignent la structure, pour un mobilier qui s'adresse à une clientèle de luxe (J. Ruhlmann). Le mobilier courant en bois massif, élaboré dans une opposition de plans et un jeu de moulures (Djo Bourgeois), est diffusé dans les grands magasins (le rayon Primavera au Printemps, le Studium au Louvre). C'est l'apparition de meubles à combinaisons multiples (étagères, armoires standardisées par Francis Jourdain aux Ateliers modernes). Les formes de l'art moderne s'affirment dans le domaine de la mode (S. Delaunay), des frivolités, du goût en général - flacons de parfums (R. Lalique, Baccarat), services d'assiettes (Goupy, Luce, S. Lalique), soieries d'ameublement (Dufy, H. Henry); l'orfèvre J. Puiforçat diffuse des couverts, des coupes de formes simples, parfois signés d'une simple moulure géométrique; le relieur P. Legrain façonne des livres à exposer sur pupitre. L'Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925 sera la consécration à Paris d'un art préservant la tradition, réservé à une élite, où chaque œuvre est une création originale; toute production dans cette tendance relèvera du "style 25" (les pavillons de Ruhlmann et de la compagnie des arts français). L'exposition prend un caractère officiel avec le projet d'une ambassade qui réunit R. Mallet-Stevens, F. Léger, R. Delaunay, P. Chareau, J. Lurçat, F. Jourdain et les sculpteurs Laurens et Lipchitz. L'autre tendance, d'un art industriel qui s'adresse à un plus grand public, lancée par les artistes d'avant-garde (le pavillon de Melnikov) est peu représentée. Sont absents les architectes hollandais J. J. P. Oud, Rietveld (De Stijl) qui construit maisons et meubles dans une production formelle inédite (un rythme de rectangles), Mies Van der Rohe, Moholy-Nagy et Marcel Breuer (Bauhaus), qui travaillent à la fusion de la technique et de la création artistique, dont les réalisations sont aujourd'hui éditées. Le pavillon de l'Esprit nouveau de Le Corbusier et d'Ozenfant est l'emblème de cette tendance internationale; le mobilier, les arts décoratifs sont soumis aux lois architecturales, à la constitution d'un style qui, loin d'être accepté, se maintiendra à travers une production fluctuant au gré des goûts du moment et des individualités forcenées qui multiplièrent les issues et les impasses d'un art qui se soutiendra jusqu'au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.

 

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