ATELIER D'ARGILE & ANIMATIONS POTERIE
Le mot "faïence" tire son origine de Faenza, petite ville d'Italie située au pied des Apennins, qui fut, à partir du XVe siècle, le centre d'une fabrication céramique renommée dont la diffusion en Europe se trouva favorisée par le mouvement de
L'expression française "faïence fine", bien que reconnue par l'usage pour désigner une poterie dure et imperméable, sous vernis plombeux, principalement de couleur crème (cream-ware), prête à confusion, puisqu'il s'agit d'une tout autre catégorie de céramique.
Le mot "majolique" (maiolica) est le synonyme de faïence. Il apparut dès la fin du XVe siècle, en Italie, et désignait alors les faïences à lustre métallique qui étaient importées d'Espagne, de Malaga et de Valence par les navires majorquais. En Italie, le mot de majolique est employé par extension, de manière générique, pour toute faïence. En France et dans d'autres pays d'Europe, il désigne spécialement la faïence italienne de
1. Les techniques
La faïence est faite d'argile plastique additionnée de sable et de marne calcaire, qui doit subir les opérations habituelles à toute pâte céramique: lavage, pétrissage, façonnage à la main, sur le tour ou à l'aide de moules, et cuisson dans des fours conditionnés, suivies d'un émaillage propre à la faïence. Celui-ci a lieu après une première cuisson légère dite "en dégourdi", soit par arrosage, soit, plus souvent, par immersion totale de l'objet dans un bain d'émail semi-liquide qui se dépose alors en couche uniforme. Cet émail, fait d'un mélange à base d'oxyde de plomb et d'étain en proportions variables, est originairement blanc et d'autant plus blanc qu'il est plus chargé d'étain. Mais il peut aussi être teinté dans la masse. Certaines faïences sont revêtues, après émaillage, d'un lustre à reflets métalliques obtenu par la formation d'une mince pellicule superficielle d'oxydes de cuivre et d'argent au cours d'une cuisson particulière en atmosphère réductrice (sans oxygène, toutes issues du four obstruées). L'émail stannifère opaque dissimule les impuretés ou la coloration de l'argile qui forme le corps de la poterie. Imperméable, il assure l'étanchéité des pièces et se prête, en outre, à recevoir un décor peint à l'aide d'oxydes métalliques, qui sera fixé par la cuisson.
On distingue deux modes essentiels d'application du décor, l'un sur émail cru, l'autre sur émail préalablement cuit. Le décor sur émail cru n'admet que des couleurs capables de supporter la température de cuisson dite de grand feu (env. 750 à 900 oC), nécessaire au durcissement de l'émail. Ce sont le vert tiré de l'oxyde de cuivre, le violet de l'oxyde de manganèse et le bleu de l'oxyde de cobalt, auxquels s'ajoutent le jaune d'antimoine et le rouge de fer. Le rouge est rare dans le décor des faïences de grand feu, car il brunit ou se volatilise dès que la cuisson est un peu forte. Les potiers essayèrent de le remplacer par une argile rouge connue au Moyen Age sous le nom de "bol arménien". Le décor peut être enduit d'une "couverte" cristalline superficielle qui avive et fond tout à la fois les couleurs (la coperta des Italiens ou le kwaart des Hollandais).
Le décor sur émail cuit, d'un maniement plus facile, est fixé à l'aide d'un fondant au cours d'une seconde cuisson à moindre température, grâce à l'emploi de fours à réverbères ou à moufles. On la dit cuisson au petit feu, par opposition à la précédente, ou encore cuisson au feu de moufle. Elle autorise une palette plus étendue et plus nuancée, comportant toute la gamme des roses tendres et des rouges vifs tirés de l'or (pourpre de Cassius), et l'application de dorures.
La seconde cuisson avait déjà été employée en Perse au XIIIe siècle. En Europe, le passage du décor au grand feu sur émail cru au décor au petit feu sur émail cuit s'effectua graduellement au cours de la seconde moitié du XVIIe siècle. Des essais partiels furent faits en Allemagne par les peintres à domicile (Hausmäler) en corrélation avec le travail du verre et des grès, en Hollande dans le but d'imiter les porcelaines du Japon, en Italie pour poser des rehauts de dorure. L'usage d'un décor entièrement exécuté au petit feu ne se généralisa que dans la seconde partie du XVIIIe siècle et sans que fussent jamais abandonnés les procédés traditionnels.
2. Le monde islamique: Moyen-Orient et Espagne
On s'accorde en général à attribuer aux Babyloniens l'invention d'un enduit opacifié par l'oxyde d'étain que les Perses adaptèrent au décor architectural dans les grandes frises de briques émaillées des palais de Suse et de Persépolis vers 550 avant notre ère.
Les civilisations musulmanes donnèrent un grand essor à l'art céramique. En Mésopotamie, aux IXe et Xe siècles, sous les Abbassides, héritiers des Perses, l'usage de l'émail stannifère et du lustre métallique s'était établi; les trouvailles faites à Samarra et à Rakka en témoignent. Les champs de fouilles de Fostat et de Beni-Hassan, en égypte, ont aussi livré des poteries lustrées de qualité datant de l'époque des Fatimides (969-1171), mais elles sont plus souvent de texture siliceuse blanchâtre qu'à émail stannifère. Aux XIIe et XIIIe siècles apparurent des techniques plus élaborées; les premières peintures de tableaux animés sur émail stannifère, scènes de chasse ou illustration des légendes, s'inspirent des miniatures contemporaines et sont peut-être l'œuvre des mêmes artistes. L'emploi d'une palette vive rehaussée d'or implique la connaissance des procédés de cuisson au petit feu. Les meilleures faïences de ce genre dit mina'i (de l'anglais enamel , émail) ont été trouvées en Perse, à Sava, à Kashan et surtout à Rayy.
L'expansion islamique en Afrique du Nord et en Espagne favorisa l'immigration dans ces pays de nombreux artisans venus d'Iran et de l'est de
3. La majolique italienne
En Sicile et en Italie, comme en Espagne, l'art de la faïence à ses débuts est tributaire des civilisations du Proche-Orient et du Moyen-Orient. Les nombreux tessons à décor vert et violet trouvés à Orvieto et en maints autres lieux s'apparentent à ceux de Paterna, près de Valence, et peuvent également dater des XIIIe et XIVe siècles.
La majolique italienne, faïence décorée au grand feu, devint à
Les artisans de Faenza s'installèrent à Forli, à Ravenne, Rimini et Pesaro. A Sienne était établi, vers 1503, un Maestro Benedetto de Faenza. A Cafaggiolo, près de Florence, Pierre Médicis avait installé une faïencerie dans son propre château, et, en 1506, elle était dirigée par les frères Pietro et Stephano Fattorini, venus de Montelupo. La fabrique de Deruta, en activité au XVe siècle, et celle de Gubbio se firent une spécialité des faïences lustrées à l'instar de celles d'Espagne. A Gubbio, Maestro Giorgio Andreoli dut son succès à la possession d'un procédé de lustre métallique rouge rubis qui pouvait s'appliquer sur des majoliques peintes dans d'autres fabriques. Dès 1510-1520, les peintres de Casteldurante, Giovani Maria et Nicola Pellipario rivalisaient avec ceux de Faenza dans l'exécution de somptueux services destinés aux cours princières. A Urbino, de nombreux peintres sur faïence, dont le prolifique Xanto Avelli, qui a signé des majoliques entre 1530 et 1542, reproduisirent sur des vaisselles de luxe les compositions célèbres de Raphaël et de ses émules, déjà popularisées par la gravure. Aux environs de 1565-1570, les Fontana, descendants des Durantins, et les Patanazzi exécutèrent pour les ducs d'Urbino de grandes pièces décoratives aux formes baroques surchargées de reliefs. Mais, à la même époque, les potiers de Faenza, tel Virgiliotto Calamelli, mirent à la mode la faïence blanche (bianchi di Faenza) simplement décorée de quelques touches de jaune et de bleu (a compendiario), qui fut imitée en Italie et dans tout le reste de l'Europe. A Venise, des décors d'un goût nouveau influencé par les porcelaines de Chine ou de caractère naturaliste furent créés par Domenico da Venezia.
Faïence hispano-mauresque et majolique italienne sont à l'origine de toutes les faïences européennes. Des artisans espagnols furent appelés en France dès le XIVe siècle; au XVIe siècle, de nombreux Italiens suivirent Girolamo Della Robbia, appelé par François Ier. Des potiers italiens s'établirent à Lyon et à Nevers où ils fondèrent les premières faïenceries de France. Ce sont encore les Italiens qui complétèrent la formation des maîtres français, Masseot Abaquesne à Rouen, Syjalon à Nîmes et Pierre Estève à Montpellier. Vers 1510, un potier de Casteldurante, Guido Andries dit Guido di Savino, s'était installé à Anvers où il forma des disciples qui gagnèrent les Pays-Bas du Nord et du Sud et l'Angleterre.
4. La faïence aux XVIIe et XVIIIe siècles
Au XVIIe siècle, l'Espagne (Talavera de
A Delft, l'épanouissement de l'art de la faïence commença vers le milieu du XVIIe siècle. A cette première période appartiennent les plus parfaites peintures : marines, paysages, sujets bibliques, portraits de style européen, exécutées en camaïeu bleu par des maîtres comme Abraham de Cooge et Van Frijtom. Les porcelaines d'Extrême-Orient, bleu et blanc de
Dès le XVIIe siècle, l'influence des Pays-Bas s'imposa aux fabriques allemandes; Hambourg, Hanau, Francfort imitèrent Delft fidèlement, et le nom même de delftware , devenu un terme générique pour désigner la faïence anglaise (Bristol, Liverpool), dit bien son origine.
A Nevers, l'association des potiers italiens, les trois frères Corrado, dits Conrade, fut reconnue en 1603 par le roi Henri IV qui leur accorda un privilège de trente ans. Peu après 1630, d'autres fabriques s'établirent, dont celle renommée de Pierre Custode. Sans que fût abandonnée la tradition italienne, un goût nouveau se répandit sous l'influence des romans à la mode, comme L'Astrée d'Honoré d'Urfé, et les œuvres des ornemanistes français. Les faïences à fond bleu lapis, les célèbres bleus de Nevers, peints en blanc fixe et jaune, restèrent en faveur jusqu'au XVIIIe siècle. Nevers fit comme Delft des "décors chinois" inspirés par les porcelaines d'Extrême-Orient. Les fabriques de Nevers travaillèrent pendant tout le XVIIIe siècle grâce à la production massive de faïences communes, faïences "parlantes" à inscriptions, faïences commémoratives patronymiques, faïences décorées d'emblèmes révolutionnaires, imitées dans toute
A Rouen
L'influence de Nevers et de Rouen est très sensible dans de nombreuses fabriques françaises, Paris, Saint-Cloud, Moulins, Sinceny, Lille, Saint-Omer et Saint-Amand, Rennes et Quimper, Saintes et
Dans le midi de
Pendant la première partie du XVIIIe siècle, ce fut le goût français qui prédomina dans l'art faïencier européen. Les fabriques allemandes de Nuremberg et de Bayreuth créèrent un modèle germanique de feuillages et d'entrelacs (Laub und Bandelwerk) dérivé du style rayonnant de Rouen : celui-ci se répandit à Anspach, puis gagna Durlach, Rudolstadt, Dorothental, etc. Des artisans allemands l'introduisirent en Scandinavie, à Copenhague, à Rörstrand. Toutes ces fabriques du Nord, ainsi que celles de
A partir du milieu du XVIIIe siècle, la généralisation du décor au petit feu permit à la faïence de rivaliser avec les porcelaines à la mode. Dans toute l'Europe, à l'influence française persistante, s'ajouta celle de l'Allemagne et de ses décors de fleurs au naturel (deutsche Blümen). Ceux-ci furent introduits en France par l'intermédiaire de Strasbourg, où plusieurs peintres sur porcelaine de la famille Löwenfinck, venus de Saxe, arrivèrent en 1748 et 1749. La faïencerie de Strasbourg, fondée et dirigée par les Hannong, Charles François (1709-1740), Paul (1740-1760), Pierre (1760-1762) et Joseph (1762-1781), prit alors la première place. La fabrique de Niderviller, établie par le baron de Beyerlé vers 1750, celles de Lunéville, de Saint-Clément, des Islettes l'imitèrent. A Sceaux, dès 1738, on utilisa sous la direction de l'habile chimiste Jacques Chapelle des procédés techniques très avancés; comme celles d'Aprey et de Meillonas, les faïences de Sceaux s'apparentent à la fois à celles de Strasbourg et à celles de Marseille.
La "façon de Strasbourg" gagna à son tour toute l'Europe : en Allemagne même, à Frankenthal, dont la fabrique appartint aux Hannong jusqu'en 1762, à Fulda, à Höchst, à Louisbourg, à Kunersberg, etc., en Suisse (à Zurich et Lenzbourg), en Hongrie (à Hölistcht), dans la région de
5. La faïence moderne
Au XIXe siècle, les circonstances économiques devinrent de plus en plus défavorables à l'art de la faïence qui ne répondait pas aux goûts et aux besoins des sociétés modernes attachées aux perfectionnements techniques. Avant la fin du XVIIIe siècle, les procédés de décor par impression (report direct d'une épreuve imprimée avec des matières se fixant par l'action du feu), introduits d'abord en Angleterre et au Danemark, avaient ouvert la voie à la fabrication mécanique. L'intérêt pour les arts d'Extrême-Orient, particulièrement marqué dans l'art céramique, la connaissance des poteries chinoises des hautes époques devaient orienter les recherches des potiers européens du XIXe siècle plutôt vers les céramiques dures, tels les grès et les porcelaines, que vers la faïence. Mais, d'autre part, l'émail stannifère attirait les peintres, surtout les peintres français; Odilon Redon, Renoir, Maurice Denis, Rouault décorèrent des faïences dans l'atelier du sculpteur-céramiste André Metthey à Asnières. Cette "faïence de peintres", révélée au salon d'automne de