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Poterie siliceuse

Poterie siliceuse

La technique

Les poteries siliceuses sont caractérisées par la prépondérance de la silice dont la proportion peut varier entre 96 et 50 p. 100. Lorsque la proportion de silice et d'argile s'équilibre aux environs de 50 p. 100, on parle, selon leur pourcentage respectif, de poterie silico-argileuse ou de poterie argilo-siliceuse. Ces poteries sont constituées par un squelette de grains siliceux cimentés après cuisson par un liant qui peut être silico-calcaire, ou silico-alcalino-calcaire (fritte), ou mixte: à fritte et argileux. La fritte marque une évolution et un progrès dans la technique de la céramique. On appelle fritte une glaçure alcaline (un verre: mélange de sable et de soude) qui, après fusion à peu près complète et broyage à l'eau, est utilisée comme liant. Dans l'Antiquité, les potiers utilisaient vraisemblablement une fritte préparée préalablement. On utilise de préférence des glaçures fortement alcalines qui facilitent l'adhérence de la glaçure à la pâte et augmentent la brillance des pièces. Les pâtes peuvent être engobées avant l'application des glaçures. L'état de cuisson des pâtes poreuses est obtenu à des températures pouvant varier de 750 à 1 050 oC, et qui, d'une manière générale, sont inférieures à celles que nécessitent les pâtes vitrifiées.
Chaque objet céramique résulte de l'action combinée du potier et du feu. Les pâtes siliceuses étant peu plastiques, malgré l'adjonction d'une petite quantité d'argile, les potiers ajoutaient parfois un liant temporaire organique: miel, sucre, mélasse, colle, gomme ou résine. La pâte peut devenir une pièce de forme ou une plaque de revêtement; elle est estampée, moulée, modelée ou montée au tour. Le feu agit sur la pâte et sur les émaux et glaçures. A la pâte il donne sa cohésion et sa résistance (cuisson biscuit). Aux émaux et aux glaçures, il donne la beauté et la qualité dense du coloris (deuxième cuisson ou cuisson émail). Le décorateur plus encore que le potier doit savoir utiliser toutes les possibilités que lui offre le feu: four à flamme directe ou indirecte, atmosphère oxydante ou réductrice selon les effets décoratifs recherchés. Le feu est un auxiliaire difficile, et Brongniart a pu avec raison parler du "jugement du feu".

Aperçu historique

L'Égypte

L'Égypte des pharaons témoigne d'une puissante unité de création artistique, spécifique, liée à un essor exceptionnel. Sous l'Ancien Empire, les potiers égyptiens découvrent les possibilités céramiques des pâtes siliceuses et utilisent des pâtes à liant silico-calcaire et à fritte. Les pièces sont petites: coupes, vases globulaires de couleur violet-manganèse, turquoise de cuivre, bleu lapis. Sous le Moyen Empire, la fabrication des vases se poursuit, et apparaissent des statuettes à représentations humaine et animale qui sont célèbres, ainsi que celles du Nouvel Empire, pour la qualité du matériau, la beauté des formes et leur couleur bleu turquoise vif. Outre les procédés communs aux autres céramiques, les pièces étaient obtenues au noyau perdu, ébauchées plus que sculptées en pâte pleine et montées à la tournette (ancêtre du tour, Ancien Empire). L'émaillage n'est qu'un pseudo-émaillage: c'est la pâte elle-même qui est colorée et qui, sous l'effet d'une haute température, se vitrifie et forme une couche très dure. Avant l'enfournage, les céramiques étaient enrobées d'une pâte protectrice qui, après la cuisson, était grattée et laissait apparaître la pièce brillante et entièrement émaillée sans aucune trace de support. Le rayonnement de l'Égypte sur tout le Proche-Orient amena des transformations dans tous les domaines, y compris celui de la céramique. Le pays le plus apte à recevoir ces enseignements était la Perse.

La Perse

L'ancienne Perse est un pays au "génie pathétique" où se succédèrent de terribles conquérants comme Gengis Khan et de brillantes civilisations comme celles des Parthes et des Sassanides. De nombreuses missions archéologiques ont mis au jour un important matériau céramique, et les poteries siliceuses trouvées à Suse nous intéressent aussi bien du point de vue de la technique que de l'histoire. On a retrouvé des briques de revêtement mural à liant silico-calcaire ornées de couleurs vives, vestiges de la civilisation élamite. Sur ce même site, le revêtement architectonique du palais de Darius est constitué par des briques au décor moulé, dont la célèbre frise des Archers vêtus de longues robes jaunes ou vertes. Les panneaux de l'Archer bleu et de l'Archer blanc sont à fritte. Le fait de trouver ensemble des briques à liant silico-calcaire et à fritte, pour orner un même gros œuvre, manifeste une évolution technique rapide ainsi que l'influence égyptienne. Après avoir été séchées au soleil, les briques étaient enduites d'un lait de chaux pour pallier la porosité de la pâte; ensuite le décor était tracé par filetage à l'aide d'un mélange d'émail bleu et d'eau gommée, qui joue le rôle de cloison (cuerda seca). Appartenant au même ensemble décoratif, le panneau du Taureau ailé, symbole de l'Empire achéménide, annonce l'expansion persane qui sera organisée en vingt et une satrapies dont l'Égypte.
Avec l'hégémonie gréco-romaine en Orient, le goût des poteries argileuses et sigillées tend à remplacer celui des poteries à pâte siliceuse. Toutefois, l'utilisation de ce matériau ne fut pas totalement abandonnée et, avec l'avènement de l'islam, il connut une de ses plus belles périodes.

Le monde islamique

L'islam n'est pas seulement une religion, c'est une civilisation apportée par les Arabes aussi bien chez les Persans que chez les Turcs et les Berbères. Des artistes venus de différents pays appartenant à différentes religions ont créé des formes d'art qui présentent une unité, celle de l'islam, et une diversité où l'on retrouve le souvenir des civilisations antérieures. Dans les arts musulmans, la céramique occupe une place exceptionnellement brillante, due à l'ampleur, à la variété et à la beauté de la production. En ce qui concerne les poteries siliceuses, les recherches des techniciens n'étant pas encore bien coordonnées, il est difficile de citer sans risque d'erreur les centres qui les ont fabriquées et leurs styles. Toutefois, les recherches de M. Kiefer permettent d'affirmer qu'une grande partie des céramiques musulmanes d'Orient sont à base de silice. A partir du XIIe siècle, certains centres potiers utilisent des pâtes à base de silice parfois concurremment avec des pâtes à base d'argile et pendant des périodes variables d'un centre à l'autre. Les poteries siliceuses islamiques se distinguent difficilement des poteries argileuses. Elles n'ont pas de décor spécifique et seule l'analyse du tesson permet de les différencier. Ces poteries sont à fritte, à liant mixte ou plombeux (céramique ottomane) et les glaçures sont alcalino-calcaires ou plombeuses (céramique ottomane). La céramique est utilisée pour la vaisselle: plat, aiguière, gobelet; on en fait aussi des objets usuels: tables, lampes, ou des revêtements architectoniques. Les plaques utilisées pour ces revêtements sont des carrés, des rectangles, des étoiles polygonales ou des croix aux branches fuselées. Les styles et les émaux qui les décorent sont les mêmes pour les pièces de forme et les plaques de revêtement. Les centres de fabrication et les lieux de découvertes des poteries siliceuses sont situés en Égypte: Fustat, Beni-Hassan; en Perse: Ray, Kachan, Gurgan, Sultanabad; en Mésopotamie: Raqqa; en Syrie: Damas, Hama; en Anatolie: Konya, Iznik, Kütahya, Rhodes, Kubatcha.
La première production notable de poterie siliceuse islamique connue à ce jour est celle des céramiques égyptiennes à décor d'oxydes métalliques d'époque fatimide. La céramique à décor d'oxydes métalliques (à reflet métallique, lustré) est de toutes les créations céramiques musulmanes la plus originale et la plus authentique. Les céramiques lustrées fatimides sont ornées d'un thème central animalier ou humain, le plus souvent en réserve sur un fond de rinceaux ou de pointillé. Les motifs les plus caractéristiques sont les animaux: lapin, poisson, oiseau, et les thèmes les plus fréquents sont des scènes de genre: danseuses aux cheveux serrés autour de la tête, avec une mèche en forme de crochet sur la joue, ou musiciens jouant d'une sorte de viole.
Le style décoratif se modifie sous les influences apportées par les Turcs Seldjoukides. Installés en Anatolie au XIIe siècle, ils font de Konya leur capitale et le centre céramique dont la production est constituée par des plaques de revêtement monochromes (turquoise, bleu, violet et plus rarement blanc ou noir). Ces plaques étaient ensuite cassées suivant un tracé préalablement établi, et les éléments ainsi fabriqués étaient assemblés en une grande mosaïque (alicatado ) à décor géométrique, végétal et épigraphique (Sirtchali, Medresse, Konya; XIIIe s.). Les carreaux polychromes sont ornés d'un décor tracé au noir de chromite sous glaçure turquoise et bleu de cobalt (palais Kilidj Arslan, 1160). L'éveil de la puissance seldjoukide se traduit par une recrudescence d'apports chinois et une influence très forte de la miniature, ce qui entraîne en céramique un renouvellement des thèmes et une grande variété dans les techniques. Tandis qu'en Égypte les potiers continuent à orner pendant tout le XIIe siècle les céramiques lustrées dans le style fatimide, en Perse et en Mésopotamie les thèmes décoratifs représentent fréquemment de petits personnages de type mongol habillés de robes chinoises. A la fin du XIIe siècle, la plupart des céramiques lustrées sont ornées de bleu de cobalt. Cet effet décoratif fut repris à Malaga et de là diffusé dans toute l'Espagne, en Italie et en France. La technique du lustre fut progressivement abandonnée dans la plupart des centres, mais se poursuivit jusqu'au XVIIIe siècle à Manises. Parallèlement à la technique du lustre, d'autres modes de céramique se développent. Les céramiques blanches sont très proches des blancs de la dynastie des Song; leur décor est à godron, champlevé ou ajouré (grain de riz), avec des éléments végétaux (rinceaux, palmettes) et épigraphiques. Parfois la pièce est entièrement lisse. D'un très bel effet inspiré des céladons sont les poteries gravées, champlevées à glaçure ou émail monochrome vert, miel, turquoise ou bleu. Sur un fond de rinceaux et de palmettes se détache parfois un oiseau ou un lion.
L'Orient a une longue tradition de poterie moulée; les gourdes de guerriers, improprement appelées "de pèlerins", laissent voir nettement les deux moitiés du récipient assemblées après le moulage. ? la fin du XIIe siècle apparaît une série au décor moulé et champlevé d'éléments végétaux, épigraphiques et animaliers, couverts d'une épaisse glaçure monochrome turquoise ou bleue. Plus tard, on fabrique des statuettes, des vases anthropomorphes et zoomorphes recouverts par une glaçure monochrome, peints sous glaçure ou ornés d'un décor lustré. Vers le milieu du XIIe siècle apparaît la technique du lakabi . Le décor est gravé profondément à traits parallèles, donnant une impression de cloisonné, rehaussé d'émaux bleus, jaunes et verts qui mettent en valeur un élément central: oiseau, animal fantastique ou encore personnage vêtu d'une robe chinoise à longues manches. La technique du minaï est une tentative de polychromie à petit feu. Les thèmes décoratifs empruntés à la littérature (Shah-nameh ou Livre des rois ) montrent des personnages au corps rond, habillés de vêtements fastueux rehaussés d'or, peints sur un fond blanc d'œuf ou vert pâle. Le lajvardina est une technique dérivée du minaï. Le décor noir sous glaçure sera utilisé selon des procédés distincts. Le décor peut être peint en silhouette sous glaçure turquoise ou ivoire; gravé et champlevé sur engobe noir sous glaçure turquoise ou encore le décor moulé est peint en noir sous glaçure turquoise. Le décor peint offre plus de variété dans le choix des thèmes à Ray, Raqqa Sultanabad, Kubatcha, et se poursuit jusqu'au XVIIIe siècle tant en Perse qu'en Anatolie. Au XIIIe siècle, le décor noir et bleu sur fond blanc est très employé à Fustat et à Damas; il devient au XIVe siècle un des styles caractéristiques de ces régions. Les pièces sont ornées d'éléments géométriques (médaillon, polygone étoilé), végétaux (rinceaux ou arbustes) ou animaliers et humains sur fond de traits fins et parallèles noirs. On peut encore noter à la même époque (XIIIe s.) le décor noir, bleu, rouge et le décor noir, bleu, vert (parfois rouge), l'un et l'autre sur fond blanc. En Perse, au XIVe siècle, apparaissent deux types de décor sur fond blanc: décor gris, gris-brun; décor noir, cobalt foncé et turquoise.
Au XIVe siècle, la dynastie des Turcs Seldjoukides s'effondre sous les coups des Turcs Ottomans. Ceux-ci déplacent la capitale de Konya à Brousse et le grand centre céramique devient Iznik, qui a une production variée et originale. On a trouvé à Chersonèse des plats et des vases à décor brun de manganèse et vert de cuivre provenant d'Anatolie et datés du XIVe siècle. Connu depuis le IXe siècle en Espagne, ce décor connaît une grande expansion au XIVe siècle en Espagne, en Italie et en France. Plus caractéristique du style turc est le décor dessiné en noir et orné d'oxydes de cuivre, de cobalt et d'antimoine. On remarque au Yesil Turbeh de Brousse que seul l'emploi du jaune permet de distinguer les céramiques ottomanes des céramiques seldjoukides.
Au XVIe siècle, le décor des carreaux consiste en cloisons tracées sur engobe à l'intérieur desquelles sont placées des couleurs: bleu, turquoise, jaune, plus rarement mauve. Plus tard, les céramiques ottomanes présentent deux styles décoratifs différents, dont l'un s'inspire de la miniature: portrait ou scène de cour sur fond de cyprès tandis que l'autre se dégage des influences persanes et devient purement turc. Les plaques de revêtement polychromes (mosquée de Rustem Pacha, entrée des appartements de Mourad III) sont ornées du décor "aux quatre fleurs" (tulipe, églantine, œillet, jacinthe). Les couleurs sont le bleu de cobalt, le vert de cuivre, le turquoise de cuivre et le rouge de fer. Le rouge est caractéristique d'Iznik ; quant à la production de Kütahya, elle est similaire à celle d'Iznik, mais plus grossière. On appelle céramique de Rhodes une série de pièces de forme qui ont été trouvées en grande quantité dans l'île de Rhodes, sans que jusqu'à présent on ait pu découvrir avec certitude le lieu où elles ont été fabriquées. Ces pièces présentent à peu près les mêmes qualités techniques et décoratives que les productions d'Iznik. Toutes ces céramiques sont ornées de couleurs vives sur fond blanc, bleu ou rouge. Il faut signaler aussi les plats découverts à Kubatcha, qui doivent provenir d'un centre provincial encore inconnu. Le centre potier de Damas, connu historiquement, a dû avoir une production inspirée par Iznik, mais il est impossible jusqu'à présent d'attribuer avec certitude aucune pièce à ce centre. Au XVIe siècle, l'art de la céramique s'est à nouveau inspiré de la Chine (dynastie des Ming). Les céramiques à décor bleu sur fond blanc furent reprises et connurent un grand développement tant en Orient qu'en Europe. En Perse, le décor révèle l'influence chinoise dans le tracé des paysages et celle de la miniature séfévide dans les personnages aux attitudes maniérées, parés de vêtements aux drapés élégants. En Anatolie, le décor net et précis est composé surtout d'éléments géométriques ou végétaux géométrisés, ce qui donne à certains rinceaux une tige raide et une feuille sans souplesse qui n'est pas sans évoquer l'art de la ferronnerie.
L'imitation des objets de métal aux formes compliquées entraîne les potiers à introduire des quantités toujours plus grandes d'argile. L'emploi de pâtes siliceuses semble abandonné en Égypte au XIVe siècle, mais la fabrication de poteries à base de silice se poursuit jusqu'à nos jours dans certains centres de Perse, de Syrie et d'Anatolie.
Il faut noter que l'ensemble des céramiques islamiques révèle une fréquence trop souvent méconnue de représentations animées et que la production ottomane se distingue par son interprétation des thèmes reçus. Le décor des céramiques musulmanes, en particulier celui des céramiques lustrées 'abbaside, fatimide et séfévide, est constitué par une infinité d'éléments secondaires géométriques et végétaux dessinés d'un trait fin, imbriqués les uns dans les autres, présentés seuls ou servant de toile de fond à un animal, un personnage ou un groupe de personnages. En ce qui concerne les céramiques turques, on peut distinguer deux types de conception décorative différents. L'un est d'influence persane avec des réminiscences chinoises telles que le tchi . L'autre est très spécifique de la période ottomane. Les éléments secondaires végétaux sont traités séparément comme s'ils étaient chacun un thème principal; c'est-à-dire que chaque élément est peint seul, il est de même dimension que les autres et bien détaché par rapport aux autres. Cette conception esthétique se retrouve dans les autres formes d'art, comme l'art des tissus.
Au XIXe siècle, Théodore Deck, grand admirateur des céramiques orientales, a recherché et retrouvé le secret de leur fabrication afin de créer "une industrie nouvelle sans précédent et sans tradition en Occident". Ce rêve sera peut-être réalisé par les techniciens modernes. Leurs expériences semblent être en accord avec celles des sculpteurs et des peintres tels que Bourdelle, Desnoyer et Picasso qui ont choisi la céramique polychrome comme matériau d'expression.

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